jeudi 16 avril 2009

Pascal amoureux (2)

Chapitre deuxième

On ne quitte les plaisirs que pour d’autres plus grands : Pascal va diriger par correspondance ce déplacement de la volupté (il reste neuf extraits de ses lettres que Charlotte a brûlées au moment de mourir). Pour l’instant la voilà partie vers le marais poitevin où son frère Arthus, le duc, gouverneur de cette province, a des projets d’assèchement. Ils sont une image de l’intention commune à la sœur et au frère de renoncer au bourbier du monde. Pendant des années Arthus avait regardé grandir Mademoiselle de Menus, la plus riche héritière du royaume tandis qu’il était le seul duc et pair qui restait à marier. Et quand la voilà en âge de s’unir et qu’on la lui propose, il temporise. Quoi, s’emporte son grand-oncle, on vient vous la jeter à la tête et vous dites que vous y penserez…il faut que vous soyez fou !

Il ne faut pas, écrit Pascal en cet automne 1656 à Charlotte (mais il s’adresse aux deux) se demander si on a vocation pour sortir du monde, mais seulement se demander si on a vocation pour y demeurer, comme on ne consulterait point si on est appelé à sortir d’une maison embrasée. Pascal associe sans y manquer jamais la passion et le feu. Il a vécu sa période mondaine de la mort de son père (1648) à la nuit de son Mémorial (1654). Les médecins lui avaient conseillé, en plus des purges, le divertissement. Il a fréquenté le salon de Mme de Sablé, l’hôtel des Roannez, il a joui de sa fortune, il a joué aux jeux de hasard. Puis il a choisi la spiritualité, la netteté d’esprit qui lui permet de voir distinctement ce qu’il aime (Discours sur les passions amoureuses). Sa sœur Jacqueline était entrée à Port-Royal en 1652, Blaise avait vingt-neuf ans. Elle lui avait tenu lieu de tout, même de secrétaire pendant ses expériences sur le vide.

Il retarda autant qu’il le put ses engagements définitifs, ceux-là qu’il encourage chez Charlotte. L’esprit, chez Jacqueline, avait été précoce (à 12 ans elle écrit des rondeaux, à treize obtient de Richelieu le retour en grâce de son père) et il restait vif. A propos de netteté, elle reproche à Blaise de mettre les balais au rang de meubles superflus…Il est nécessaire que vous soyez, au moins quelques mois, aussi propre que vous êtes sale. Elle-même se surcharge de tâches à Port-Royal, elle cherche à se bien cacher et il lui arrive de n’avoir pas le temps de souhaiter une bonne année à son frère avant le 6 novembre. Mauriac disait qu’elle ne voulait point mettre de limite à la pureté et à la perfection (Blaise Pascal et sa sœur Jacqueline, 1931). Il y a eu de l’amour-passion entre le frère et la sœur. Elle le poussait à devenir un Solitaire (de Port-Royal).

Il est bien assuré qu’on ne se détache jamais sans douleur. On ne sent pas son lien quand on suit volontairement celui qui entraîne…Mais quand on commence à résister et à marcher en s’éloignant, on souffre bien, écrit Pascal à Charlotte le 24 septembre 1656. Que va-t-il lui faire valoir pour qu’elle choisisse d’entrer elle aussi (brièvement) à Port-Royal et de prendre le nom de Charlotte de la Passion ?

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