jeudi 30 avril 2009

Petite bibliothèque "M" (3)

Catherine Pozzi

AVE

Très haut amour, s’il se peut que je meure
Sans avoir su d’où je vous possédais,
En quel soleil était votre demeure
En quel passé votre temps, en quelle heure
Je vous aimais,
Très haut amour qui passez la mémoire,
Feu sans foyer dont j’ai fait tout mon jour,
En quel destin vous traciez mon histoire,
En quel sommeil se voyait votre gloire,
Ô mon séjour..
Quand je serai pour moi-même perdue
Et divisée à l’abîme infini,
Infiniment, quand je serai rompue,
Quand le présent dont je suis revêtue
Aura trahi,
Par l’univers en mille corps brisée,
De mille instants non rassemblés encor,
De cendre aux cieux jusqu’au néant vannée,
Vous referez pour une étrange année
Un seul trésor
Vous referez mon nom et mon image
De mille corps emportés par le jour,
Vive unité sans nom et sans visage,
Coeur de l’esprit, ô centre du mirage
Très haut amour.

— D'après Très haut amour, poèmes et autres textes de Catherine Pozzi, ed. par Claire Paulhan et Lawrence Joseph, Gallimard "Poésie", 2002. Proposé par Marc Briand.

lundi 27 avril 2009

Petite bibliothèque "M" (2)



Guillaume Apollinaire
2 août 1915

Mon petit sifflet à deux trous,
La photo est merveilleuse, puisque tu veux mon appréciation juste et raisonnée. Elle montre 2 sœurs jumelles dont l’air est si ingénument insolentes (1) qu’elles méritent les sévices qui leur apprendront à garder plus de retenue. Il ne faut pas oublier d’autre part qu’au Louvre l’Odalisque d’Ingres fait pendant à l’Olympia de Manet et qu’ayant la 1re je voudrais bien avoir également la seconde. Tu m’écris juste assez de lettres pour me consoler un peu. Elles ne sont pas de trop, ni surtout trop longues. Je les trouve même trop obstinément courtes. J’attends aussi celles qui sont amusantes tout en témoignant d’une « ignorance totale ».
Mâtin ! Vous allez bien, un à la minute !! J’ai envoyé maintenant la bague. J’espère qu’elle te plaira. J’ai fait de mon mieux et j’ai eu bien du mal aussi à graver l’inscription qui est à l’intérieur.
Toutou me délaisse aussi, d’ailleurs je crois bien qu’il est en retard sur moi de 2 lettres.
Tes lettres sont gentilles, mais comme toujours, il n’y a aucun détail. Tu m’écris au galop. M’écrire est pour toi une corvée !
Pour moi, mon chéri, je t’adore infiniment, tu es la plus gracieuse divinité du monde, tu es la divinité même qui s’est faite femme. J’adore tes yeux las, ton corps souple et admirablement fait. Je t’aime infiniment ma petite divinité chérie. Je me demande quand j’aurai l’occasion de te revoir, mais en attendant, je suis bien content que tu sois heureuse dans les bras de Toutou. Amuse-toi bien. Toutes recommandations oiseuses, au demeurant, puisque tu me l’as écrit, un coup à la minute. Vous devez régler toutes les pendules de la région.
Je ne m’embête pas trop malgré la monotonie extravagante de cette région déshéritée qui a malgré tout son charme discret. Le même charme qu’a une jolie femme mariée en voyage pr aller tromper son mari.
ODE
Lou Toutou soyez remerciés
Puisque par votre amour je ne suis pas seul
Et je nais de chacune de vos étreintes
Pensée vivante qui jaillit de vous
Lou Toutou je suis votre petit enfant
Je tiens à vous, à Lou par le lien ombilical
Jeté sur la terre de France des Vosges à la mer
Ainsi sommes nous unis par la chair des tranchées
Nous sommes unis par la vie et par la mort
Bénie soit aussi cette guerre qui m’unit à votre douceur
Avant on ne parlait que de paix
Et l’amour s’en allait peu à peu de nos cœurs et de la terre
Aujourd’hui, c’est l’Amour éperdu où s’accolent
Tous les grands peuples
L’Amour cette guerre
La vraie guerre
Tant de choses nous séparaient
C’était la paix la vilaine paix
Mais nous avons senti tout à coup
Qu’il fallait nous rapprocher nous unir
Pour nous aimer, ô noble guerre
Ô noble, ô noble amour
Amour sacré qui flamboie et fume
Sur les hypogées tandis que râlent les projectiles
Nous ne combattons point pour conserver la vie
Nous menons l’Amour en grande pompe
Vers la mort
Vers le seuil suprême
Où veille la guerrière mort
Ainsi Toutou nous défendons Lou
C’est la grâce, c'est-à-dire ce qu’il y a de plus rare
Dans l’idée de Beauté
Rien n’est plus noble que ce combat
Esthétique et sublime
Toutou Lou écoutez-moi
Aimez-moi
Gui.
Lettres à Lou, pp. 475-77, ed. Gallimard (Blogger n'accepte pas la versification d'origine)
(1) sic.
[Mireille Sorgue avait fait venir de la Bibliothèque Nationale sur microfilms les Lettres à Lou d’Apollinaire avec l’idée de préparer un DES avec Michel Décaudin alors en poste à l’université de Toulouse. Elle a appris la mort de Louise Coligny-Châtillon survenue le 7 mars 1963]

samedi 25 avril 2009

Petite bibliothèque "M"

Cette petite bibliothèque de la place Mireille Sorgue se bâtira au fil des lectures ou des dons et sera composée de textes relatifs au sentiment et au discours amoureux.

Simone de Beauvoir

« Il y a plusieurs choses que je hais dans l’amour : l’abandon de tout soi-même qui est une simple lâcheté parce qu’un être n’est jamais une fin, qu’évidemment le devoir est tout de même au-dessus de l’amour et que le devoir défend d’aliéner sa liberté ; je n’en fais pas une question de dignité mais de morale. Je consentirais volontiers tous les sacrifices pour un être que j’aimerais, mais je ne voudrais pas n’exister qu’à travers lui – le chantage sentimental qui pousse les femmes surtout à voir dans celui qu’elles aiment un être chargé de partager le fardeau de leur âme qu’elles sont trop faibles pour porter…Je sais que dans les minutes d’abattement, un grand désir vous prend parfois de crier sa peine à une âme amie, de voir dans des yeux chers le reflet de soi-même ; cela c’est s’aimer soi et dans l’autre l’amour qu’il a pour vous. Le vrai amour, c’est le mot de Goethe : « Je t’aime, est-ce que cela te regarde ? » Bien sûr, les confidences, le sentiment d’une mutuelle intelligence sont une des douceurs de l’amour, parce qu’on ne donne pas toujours, qu’il est bon aussi de recevoir ; mais si l’on accepte joyeusement de recevoir, si l’on a même le droit de demander parfois, c’est donner qui demeure l’essentiel.
Je n’aimerais pas non plus un être qui serait toujours supérieur à son amour, parce que ce serait une preuve que sa passion n’est pas assez grande si elle ne l’accable jamais ; je le mépriserais de se montrer inférieur à sa passion, parce que serait une marque de sa propre faiblesse. Je ne voudrais pas qu’il raisonnât toujours, parce qu’une grande passion est d’abord instinctive ; ni qu’il ne raisonnât jamais, parce que l’homme doit savoir s’élever au-dessus de ses instincts. Je voudrais qu’il unît à la lucidité du héros de Aimée [roman de Jacques Rivière] la simplicité du Grand Meaulnes ou d’une élégie de Jammes ; à la spontanéité d’Almaïde d’Etremont [roman de Francis Jammes] la réflexion douloureuse d’Alissa. Une belle passion est plus difficile et plus rare encore je crois qu’une belle œuvre. Des amoureux et des amoureuses que je connais, aucun je pense ne me satisferait pleinement […] Autant d’être différents, autant de positions en face de l’amour. L’essentiel au fond c’est d’aimer et d’être sincère. Mais c’est une chose si grave l’amour, même pour ceux qui n’aiment jamais » (Cahiers de jeunesse, 21 août 1926, ed. Gallimard. Simone de Beauvoir a 18 ans).

samedi 18 avril 2009

Un visage


C’est un portrait sans date, vers 1440, une huile sur chêne, de la grandeur d’une feuille A4. Beaucoup font le voyage de Berlin pour aller voir au Staaliche Museen cette « Joconde du Nord ». Le tableau est mentionné dans l’inventaire de Laurent de Médicis : opera di Pietro Cristi da Bruggia. Petrus Christus avait acquis droit de cité à Bruges en 1444. Il s’y imposa entre la mort de Van Eyck et l’arrivée de Memling. Qui est-elle ? Coiffée d’un hennin court, avec un mince col d’hermine, elle est vêtue à la française. Elle n’a ni cils ni sourcils. Souffre-t-elle d’un mal ? Est-elle épilée comme c'était la mode? Elle regarde son spectateur de ses yeux obliques, lisse et lumineuse comme une perle, coquille d'oeuf fragile. Mireille Sorgue : « La jeune fille de Petrus Christus veille au fond, au-dessus du lit que j’ai fait mettre parallèle aux fenêtres », 13, rue Urbain-Vitry, Toulouse, 9 juin 1964.

Un second visage



Un rameau de genévrier sur l'épaule donne le nom de cette « Princesse d’Este » de Pisanello : Ginevra (huile sur peuplier, 42x29, 6). Son visage peint de profil, comme une médaille, se détache sur un fond d’œillets et d’ancolies, symboles de mort. Un papillon qui volète au-dessus de son front épilé (lui aussi) représente l’âme. Ginevra d’Este épousa en 1434, à 14 ans, Sigismond Malatesta, célèbre pour ses trahisons. Il l’empoisonna quand elle eut 20 ans afin d’en épouser une autre. « Si j’étais innocent, ce serait horrible. Mais j’ai au moins la satisfaction de me dire que je suis coupable. Comme j’ai bien fait de l’être ! Vive ma vie ! » (Montherlant, Malatesta). Mireille aurait-elle connu son histoire ? Elle ne séparait pas les deux visages et disait (20 mars 1963) : « Je n’ai pas d’âge et ne vieillirai pas plus qu’eux. »

jeudi 16 avril 2009

Pascal amoureux (2)

Chapitre deuxième

On ne quitte les plaisirs que pour d’autres plus grands : Pascal va diriger par correspondance ce déplacement de la volupté (il reste neuf extraits de ses lettres que Charlotte a brûlées au moment de mourir). Pour l’instant la voilà partie vers le marais poitevin où son frère Arthus, le duc, gouverneur de cette province, a des projets d’assèchement. Ils sont une image de l’intention commune à la sœur et au frère de renoncer au bourbier du monde. Pendant des années Arthus avait regardé grandir Mademoiselle de Menus, la plus riche héritière du royaume tandis qu’il était le seul duc et pair qui restait à marier. Et quand la voilà en âge de s’unir et qu’on la lui propose, il temporise. Quoi, s’emporte son grand-oncle, on vient vous la jeter à la tête et vous dites que vous y penserez…il faut que vous soyez fou !

Il ne faut pas, écrit Pascal en cet automne 1656 à Charlotte (mais il s’adresse aux deux) se demander si on a vocation pour sortir du monde, mais seulement se demander si on a vocation pour y demeurer, comme on ne consulterait point si on est appelé à sortir d’une maison embrasée. Pascal associe sans y manquer jamais la passion et le feu. Il a vécu sa période mondaine de la mort de son père (1648) à la nuit de son Mémorial (1654). Les médecins lui avaient conseillé, en plus des purges, le divertissement. Il a fréquenté le salon de Mme de Sablé, l’hôtel des Roannez, il a joui de sa fortune, il a joué aux jeux de hasard. Puis il a choisi la spiritualité, la netteté d’esprit qui lui permet de voir distinctement ce qu’il aime (Discours sur les passions amoureuses). Sa sœur Jacqueline était entrée à Port-Royal en 1652, Blaise avait vingt-neuf ans. Elle lui avait tenu lieu de tout, même de secrétaire pendant ses expériences sur le vide.

Il retarda autant qu’il le put ses engagements définitifs, ceux-là qu’il encourage chez Charlotte. L’esprit, chez Jacqueline, avait été précoce (à 12 ans elle écrit des rondeaux, à treize obtient de Richelieu le retour en grâce de son père) et il restait vif. A propos de netteté, elle reproche à Blaise de mettre les balais au rang de meubles superflus…Il est nécessaire que vous soyez, au moins quelques mois, aussi propre que vous êtes sale. Elle-même se surcharge de tâches à Port-Royal, elle cherche à se bien cacher et il lui arrive de n’avoir pas le temps de souhaiter une bonne année à son frère avant le 6 novembre. Mauriac disait qu’elle ne voulait point mettre de limite à la pureté et à la perfection (Blaise Pascal et sa sœur Jacqueline, 1931). Il y a eu de l’amour-passion entre le frère et la sœur. Elle le poussait à devenir un Solitaire (de Port-Royal).

Il est bien assuré qu’on ne se détache jamais sans douleur. On ne sent pas son lien quand on suit volontairement celui qui entraîne…Mais quand on commence à résister et à marcher en s’éloignant, on souffre bien, écrit Pascal à Charlotte le 24 septembre 1656. Que va-t-il lui faire valoir pour qu’elle choisisse d’entrer elle aussi (brièvement) à Port-Royal et de prendre le nom de Charlotte de la Passion ?

mardi 14 avril 2009

Pascal amoureux

Chapitre premier

Le coeur a ses raisons (que la raison ne connaît pas). Mais le coeur lui aussi se lasse de penser, il lui faut du remuement et des passions. Comme l'amour est la passion la plus naturelle à l'homme, il arrive qu'à force de parler d'amour l'on devient amoureux. Si le nuage est soutenu par l'air, dont Blaise Pascal avait mesuré la pesanteur, l'amour se soutient par l'esprit. Il faut de l'adresse pour aimer. Imagine-t-on Pascal reconnaître à l'amour qu'il faut le faire? Si les nuages se ressemblent partout, il est certain que [l'amour] doit être le même par toute la terre. Il est vrai que, se terminant autrement que par la pensée, le climat peut ajouter quelque chose, mais ce n'est que dans le corps.

Au programme du bac littéraire de 2009, les Pensées de Pascal nécessitent des tables de concordance d'une folle complexité pour s'y retrouver, malaisément, d'une édition à l'autre (Je ferais trop d’honneur à mon sujet si je le traitais avec ordre puisque je veux montrer qu’il en est incapable). Son Discours sur les passions de l’amour, lui, figure ou non, ici ou là, parmi les œuvres complètes. Est-il de lui ou de la main d’une femme d’esprit qui l’aurait recueilli dans un salon de marquise ? Un de ses derniers éditeurs met en résonance l’indétermination quant à sa provenance et l’indétermination si pressante des pensées. La formule la plus complète se trouve sur le site en ligne de la bibliothèque de Lisieux (où on peut lire ses huit courts chapitres) : « habituellement attribué à Pascal bien que cela soit peu vraisemblable ». Mais tous retiennent (dans la correspondance ou dans les opuscules ?) les Lettres à Mademoiselle de Roannez et elles résonnent souvent avec les passions de l’amour.



Charlotte de Roannez était une de ces innombrables jeunes filles que la situation accordée aux femmes plaçait entre l’ensevelissement dans le mariage et le tombeau du couvent. En termes de l’époque, c’était une noble et aimable personne, qu’un zèle farouche disputa longtemps aux liens les plus légitimes de la nature et du monde, et qui, divisée avec elle-même dans ce terrible combat, finit par mourir misérablement, chargée des anathèmes de Port-Royal, malheureuse et désespérée d’avoir été une fille soumise et une épouse irréprochable (Recueil pour servir à l’histoire de Port-Royal). Pendant sa période mondaine, Pascal fréquentait la maison, rue Brisemiche, du duc de Roannez (avec qui il ouvrira cinq lignes d’omnibus dans Paris) et y avait même sa chambre. Charlotte, la jeune soeur du duc, avait 15 ou 16 ans lorsque Pascal se lia d’une étroite amitié avec elle. Cette amitié devint l’origine d’un sentiment plus vif…peut-être conçut-il l’espérance de devenir son époux (Prosper Faugère, éditeur des Pensées, fragments et lettres en 1844, qui cite le Discours : quand on aime une dame sans égalité de condition…III, 8). Racine semble confirmer : M.Pascal renonça à un mariage très avantageux qu’il était sur le point de conclure (Abrégé de Port-Royal).

Un jour d’août 1656, Charlotte visite Port-Royal et veut se faire religieuse, pour échapper peut-être à un mariage imposé (avec le marquis d’Alluye). Chez le duc, l'entourage de Melle de Roannez s’en trouve très irrité contre Pascal, raconte Marguerite Périer, sa nièce. D'autant plus que le duc lui-même se dit résolu à ne pas épouser, de son côté, la plus riche héritière du royaume. Cette irritation gagna toute la famille, à ce point qu’un matin la concierge monta dans la chambre de Pascal avec un poignard, pour le tuer. Par chance, il était sorti de bonne heure (le bonheur était encore de ne pas savoir demeurer en repos dans une chambre) et il n’y retourna plus. Le duc emmène sa sœur pour sept mois dans le Poitou. C’est là que Pascal lui écrit.

jeudi 2 avril 2009

Une flamme pour personne


Un calife de Cordoue, Suleimân al-Musta’în, découvrit que l’humiliation de l’amour était une seconde royauté (on le disait de faible caractère). Sans doute pour la faire éprouver aux souverains du Nord, il leur vendait des musiciennes et des chanteuses, si belles qu’on eût cru que c’étaient des quartiers de lune (Ibn al-Kattânî). A Poitiers, le puissant Guillaume IX en était entouré. Il se laissa excommunier pour vivre avec la Maubergeonne, Dangereuse de Châtellerault, dont il fit peindre le prénom et le corps nu sur son bouclier. Premier des troubadours, il écrivit des poèmes sous la forme du zadjal andalou. La joie d’amour naissait de la dépendance amoureuse librement consentie. L’important était d’être amoureux. Et aussi bien d’être seul. En Orient, d’où vint ce sentiment, comme en vint la rose, le sacrifice le plus courtois était de s’exposer aux atteintes du souvenir, au milieu du désert, au milieu de l’absence.
La personne qui compte est la troisième. L’amour d’un couple est un tiers. Il est comme un enfant. Il est l’occupation désirée, un métier de l’âme, le seul que convoite Bernat Marti. Aimer c’est d’abord soupirer et feindre (le fenhedor), puis supplier (le precador), puis être agréé (l’entendedor), puis atteindre la chair (le drut). Tout passe par le surnom, le signe (l’Ami), l’intransitif. Ainsi Mireille Sorgue parle d’un de ses premiers amours, contemporain de ses premiers poèmes : Savez-vous qu’il me semble à présent que Michel fut seulement le prétexte de l’amour – qu’il n’en est plus que le symbole, le signe ? Pourquoi je pense cela ? Parce qu’Il est absent et que l’amour demeure ; parce que la réalité de sa présence ne me cerne plus et que l’amour me comble. Michel, un mythe, et mon amour seule réalité – et pas tellement l’amour de Lui, comme ce fut ou comme je le crus ( ?) ; l’amour (tout court) et je crois que je pourrais dire : sans objet, ou plutôt sans objet exclusif : moi, une flamme pour personne, pour rien, ma propre limite ». On est le 14 novembre 1962 et il allait en être de même pour l’Amant.