lundi 16 juillet 2012

Enfin coulèrent les larmes

Imrûl'l-Qays

Halte vous deux ! Pleurons au souvenir d'une amie
et d'un séjour au creux de la dune
    entre al-Dakhkhûl et H'mal/
    et Tûd'îh' et l-Miqrât
la forme n'en demeure que par le tissage du vent
qui du nord et du sud/ vient doucement
     sur ses côtés
la brise d'est l'habille  d'un frôlement
     de voile effrangé/
on ne voit plus sur ses séjours et ses places
     que des crottes de gazelles, serrées
     comme des graines de piments/

Et ce fut comme si
en un matin d'exil, tandis qu'ils s'ébranlaient,
moi, près des épines du clan
     egreneur d'amertume,
mes compagnons, arrêtant sur moi
     leurs montures, m'eussent dit
- " Ne meurs pas de chagrin, supporte en beauté/
     laisse partir de toi ce qui a passé sa route"
affronte plutôt l'épreuve du jour/
Mais là je demeurais, attendant que vacille
une folie de deuil confiante en sa fureur/
quand ma seule guérison eût été une larme
si seulement j'en avais pu verser
- " Qu'attendre d'une empreinte évanouie ? Ainsi
   en usas-tu avant elle avec Umm al-Huwayrith,
   avec sa voisine Umm al-Rabâb à Ma'sal"/
quand elles se levaient du musc s'exhalait d'elles
brise du matin qui porte la senteur du girofle/
Enfin les larmes de ma soif coulèrent
sur mon cou jusqu'à mouiller mon baudrier/
- "Avec d'autres, que de jours t'avaient été favorables"

(Un roi errant, extrait des dix grandes odes arabes de l'Anté-Islam, les Mu'allaqât, traduction adaptée de Jacques Berque( Sinbad, 1979). C'est le début de la poésie courtoise dans le désert et de la mélancolie amoureuse dans la péninsule arabique, un siècle avant l'islam, qui les condamna - de plus ou moins bonne grâce).

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