jeudi 18 juin 2009

Petite bibliothèque M (8)

Mireille Sorgue

2 août
Sève brute (1)

Et que saurais-je écrire, sinon ma peine d’aujourd’hui, ma peine d’amour, neuve, acide – goût de prunelle diaprée prise au buisson avant le temps, longuement macérée sous la langue, corrosive et insinuante liqueur,
et ce vent qui m’affouille,
ma peine aiguë ou sourde au gré du temps,
ma peine contenue, apaisée, comme un chien qu’on flatte à la croupe en le retenant du collier, -- assoupie enfin – (Que vite on chante une berceuse très endormeuse…)
et soudain, sans que j’aie su pourquoi, en lente reptation vers ma gorge qui s’affole,
jusqu’à ce que douleur s’ensuive.

Je mords le drap crissant et fade.

Que saurais-je écrire sinon Toi et la souffrance dont tu me combles ? J’ai agrippé mes doigts aux pierres que tu foules, et tu écrases mes ongles en dansant sur mes mains la ronde de ta joie.
Tes bottes sonnent la cadence sur un rythme de sarabande, et ton rire chante clair, si clair, mon amour, insoucieux de moi.

Je t’aime. Amour en pure perte,
comme un vent qui ne jouerait pas avec les fumées sur les toits,
qui ne tournerait aucune roue de moulin aux pales chuintantes,
qui ne peignerait aucun arbre,
comme une bruyère où ne viendraient pas les abeilles,
comme une pluie que les oiseaux ne pourraient boire,
comme un fruit mûr qu’on ne goûterait pas,
comme un inutile sanglot.

(Ce poème date de 1962. Il y eut donc un premier "Toi" avant l'Amant, comme il y en eut un autre après.)

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